MRIRIDA N’AIT ATIK
Le visage de l'oralité qui éclaire notre biennale 2024
Elle est le symbole de la femme Amazighe qui dit non à l’oppression, qui choisit la liberté dans un quotidien extrêmement dur... Mririda a vécu au milieu du 20e siècle, elle a chanté le monde avec une profondeur et une espièglerie fascinants.
Si « Amazigh » veut dire l'homme libre, est-ce que Mririda ne voudrait pas dire la femme libre ? Bien qu'il lui manquât la capacité de lire et d'écrire, Mririda savait exprimer et improviser dans une langue simple et sensuelle, à la fois archaïque et imagée, établissant un lien quasi-païen avec la nature et ses éléments. Comme dans son poème "L’arc-en-ciel" : "Source des forces de Fécondité et de Résurrection/ fiancée de la Pluie, Ceinture de prospérité de la Terre/ il est si vaste le Ciel, que je ne vois jamais les bords du Tapis des Seigneurs des Monts et des Eaux." Mririda souffrait du manque d'une trace écrite pour immortaliser l'oralité de ses poèmes. René Euloge, un instituteur français à Demnate, a comblé cette lacune et a préservé ses œuvres de l'oubli. Il a recueilli au quotidien et transcrit en tachelhit toutes ses improvisations, les consignant dans le recueil intitulé "Les chants de la Tassaout."
Aujourd'hui, toute mémoire de Mririda a disparu de la conscience collective amazighe, et au sein de la Maison de l'Oralité, nous nous sommes donnés la mission de reconstruire cette mémoire. En redonnant vie à ses poèmes lors du festival IZOURAN, notre espoir premier est de raviver l'esprit de la femme libre qu'elle représentait !
MRIRIDA ou l’art de rassembler les coeurs
Amal Ayouch est une actrice, pharmacienne et conteuse franco-marocaine au parcours fascinant.
“C’est suite à la lecture des poèmes de Mririda, lors de la célébration d’Id Yennayer, le nouvel an amazigh, que l’idée a germé avec Loubna Mouna, la directrice de l’association We Speak Citizen, de monter un spectacle sur cette poétesse du Haut-Atlas hors du commun. Cette femme, dont on ne connait que peu de choses en dehors des poèmes qu’elle a laissés, a incarné avec brio toute l’originalité et la fraicheur de l’âme amazighe. En effet, sa poésie témoigne avec grâce et majesté de ce qu’elle a pu vivre et observer autour d’elle, autant sur la condition féminine que sur la rudesse de la vie au quotidien. Ce sont aussi des poèmes d’amour et de courage. Ecouter Mririda, c’est écouter la parole de toutes les femmes. Et c’est de là qu’est venue l’idée d’associer à ce spectacle d’autres femmes poétesses amazighes venant de différentes contrées pour célébrer ensemble ce qu’elles ont en commun : la force de la résilience et la poésie rurale chevillée au corps.
L’idée de diriger ces femmes sur scène et de m’associer à elles en tant que comédienne est un vrai challenge. Ayant grandi dans une grande métropole je me suis toujours dite citadine. Et pourtant, dès la lecture des premiers poèmes de Mririda, et surtout lorsque nous avons organisé une rencontre au village de Ait Benhaddou avec ces poétesses venues des différentes contrées du sud, j’ai vite senti et compris que quelque chose de fort nous reliait. Un lien, un cordon ombilical, une histoire commune qui remonte à des temps anciens et qui gagnerait à être ravivée. Quoi de mieux pour cela qu’une scène de théâtre où se mêleraient de la poésie, des récits, des chants et de la danse ?
Ce projet n’est pas seulement un projet artistique, c’est aussi un projet humain de rencontres et de partages entre deux mondes, rural et citadin. Deux mondes qui se connaissent si peu, se côtoient peu, si ce n’est dans des foires ou des moussems. Or, le monde rural a beaucoup à nous enseigner, notamment en terme de valeurs de résilience, d’éthique, de dignité et de courage. Et c’est aussi cela que nous souhaitons mettre en avant dans ce spectacle.”
Quand Mririda rassemble au delà des différences!
"Je suis une femme comme toi!"
Laurence Haxaire
Rédactrice, journaliste, Productrice
Safia Azzeddine
Poétesse Amazighe issue de la tribu des Ait Ouaouzguit,
Safia et Laurence ont passé plusieurs jours côte à côte sur les routes de l’Atlas marocain à l’occasion de la Résidence AWAL / Regards croisés au printemps 2024. Kilomètres défilants et rencontres émotionnelles s’additionnant, elles ont tissé un lien sororal aussi doux que fort. Femmes engagées chacune sur son territoire, avec une vision du monde en écho total malgré leurs différences de culture et d’histoire, elles ont décidé de s’écrire leur quotidien en poèmes. « Je suis une femme comme toi » se compose sur un long terme, de réponses l’une à l’autre sur les mêmes sujets mais avec chacune une vérité et une réalité propre.
Lors du festival Izouran, comme Mririda, elles partagerons avec vous le fruit de ces échanges....